Monsieur le Commissaire Enquêteur,
Dans le cadre de l’Enquête Publique portant sur un projet de PAEN, il revient au Commissaire Enquêteur de formuler un avis quant à la pertinence du choix du périmètre soumis à enquête.
Comme rappelé page 7 de la notice, le dispositif PAEN trouve son fondement juridique dans la loi relative au développement des territoires ruraux (loi DTR 2005-157 du 23 février 2005) et le décret d’application n°2006-821 du 7 juillet 2006 relatif à la protection et à la mise en valeur des espaces agricoles et naturels « périurbains ».
Les promoteurs du projet de PAEN de Laroque des Albères sont partis du postulat que les espaces agricoles et naturels de cette commune constituaient des espaces agricoles et naturels « périurbains ».
C’est la raison pour laquelle on ne retrouve dans la notice d’accompagnement aucune réflexion ni démonstration préalable permettant de qualifier de « périurbains » les espaces concernés par le projet de PAEN de Laroque des Albères.
Toutefois, compte tenu notamment des implications d’un tel dispositif, en l’espèce l’instauration d’une servitude d’utilité publique irréversible frappant le droit fondamental de propriété, la première des précautions eut été de s’assurer, et d’assurer les populations concernées pour une meilleure acceptation sociale, que les espaces concernés par le projet de PAEN sont bien « périurbains » et donc concernés par le dispositif PAEN voulu par le législateur.
- La question première est donc : les espaces concernés par le projet de PAEN sont-ils « périurbains » et à ce titre effectivement concernés par le dispositif PAEN ?
1 ° ) Si l’on se réfère aux travaux entrepris par l’INSEE, qui a remplacé en 1996 son modèle antérieur par la nomenclature du zonage en aires urbaines, établie sur la base de critères plus économiques liés à l’emploi et de la mesure des déplacements domicile-travail, « l’aire urbaine est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain et par des communes rurales ou unités urbaines dont au moins 40% de la population résidente ayant un emploi, travaille dans le pôle urbain ou dans des communes attirées par celui-ci. »
Il en ressort que « la couronne périurbaine d’un pôle urbain est ainsi formée de l’ensemble des communes de l’aire urbaine à l’exclusion de son pôle urbain »
Ainsi, l’échelle du PAEN au seul territoire d’une commune n’est pas appropriée mais a à s’appliquer à une échelle intercommunale, au cas de l’espèce au territoire de la Communauté des Communes par exemple.
Avis du reste repris par les auteurs du projet eux-mêmes, page 122 de la notice.
Quoiqu’il en soit, ni le Conseil Général dans la notice d’accompagnement du projet de PAEN, ni la commune dans son Rapport de Présentation du PLU, ni l’INSEE n’établissent qu’au moins 40% de la population résidente du territoire concerné par le projet de PAEN ayant un emploi travaille dans le pôle urbain ou les communes attirées par celui-ci.
- Ainsi le Conseil Général n’a pu établir que les espaces concernés par le projet de PAEN sont bien à considérer comme des espaces « périurbains » au regard des critères de l’INSEE
2° ) Si l’on se réfère à la loi du 23 février 2005 qui initie le dispositif PAEN, le texte n’ayant pas défini ce qu’était un espace périurbain, il convient de se rapporter aux travaux parlementaires pour savoir ce que le législateur lui-même a entendu viser par les « espaces naturels et agricoles périurbains » dans lesquels il a entendu donner aux autorités locales, en l’occurrence au département, des instruments nouveaux permettant d’assurer une meilleure protection de ces espaces par la création décentralisée de périmètres de protection et d’aménagement.
2 - 1°) Exposant l’objectif poursuivi, le rapport du Sénat ( n° 251, 2003-2004, T 1 présenté par MM Jean Paul Emorine et Lalislas Poniatowski au nom de le Commission des Affaires économiques ) souligne que cet article (art.19 du projet de loi devenu art. 73 de la loi) vise à protéger les terres agricoles contre le développement de la périurbanisation.
Le rapport s’attache ensuite à préciser ce qu’il faut entendre par « périurbanisation », analysée comme « un mode de croissance urbaine qui disperse l’urbanisation dans les communes à dominante rurale situées à la périphérie de l’agglomération et en fait très consommatrice d’espace le plus souvent prélevé sur les terres agricoles. »
Peut-on à bon droit soutenir que la commune de Laroque des Albères est située en périphérie de PERPIGNAN ?
S’il en était besoin, on relèvera que les communes d’ELNE ou encore ARGELES sur MER, dont les terres agricoles, véritables terres à blé et maraîchères tant elles sont limoneuses et irrigables, mériteraient d’être protégées afin notamment de garantir aux générations futures des espaces de qualité agronomiques nécessaires pour répondre à leurs besoins, sont situées à mi chemin entre PERPIGNAN et Laroque des Albères.
Leurs maires par ailleurs vice Présidents du Conseil Général, par conséquent initiateurs directs et par conséquent fervents adeptes du dispositif PAEN sur le Département, n’auraient donc manqué de faire « bénéficier » leur commune de ce dispositif.
Or, rien de tout cela. Au contraire. Dans le cas d’ELNE, ce sont des dizaines et dizaines d’hectares de terres à blé et maraîchères qui sont actuellement encore artificialisées à coup de lotissements et zones artisanales.
Une seule explication à cela : ces communes ne sont pas à considérer comme situées en périphérie de l’agglomération de PERPIGNAN, ni par suite comme faisant partie de sa zone périurbaine.
Dès lors, Laroque des Albères, encore plus éloignée de ladite agglomération ne saurait être considérée comme située en périphérie de PERPIGNAN, ni comme faisant partie de sa zone périurbaine.
2 - 2°) Considérant que « la définition statistique présente une approche souvent trop globale par rapport aux enjeux périurbains, qui, sur le terrain, se manifestent à une échelle plus réduite », le rapport parlementaire précité propose de dépasser l’approche purement statistique pour faire appel à l’appréciation des collectivités décentralisées :
« Cette difficulté du passage du statistique à l’opérationnel conduit finalement, dans la pratique, à ce que la définition du périurbain et la délimitation des zones périurbaines reposent avant tout sur un consensus local. Dès lors, il n’a pas été jugé souhaitable de donner une définition du périurbain dans le projet de loi ; il appartiendra aux collectivités initiatrices des projets d’apprécier à partir de critères qu’elles se seront-elles-mêmes forgés. »
Ainsi :
- Quels sont les critères forgés par le Conseil Général pour définir les espaces périurbains où le dispositif PAEN a à s’appliquer ?
- Les espaces concernés par le projet de PAEN sont-ils concernés par les critères et le dispositif PAEN du Département ?
1° ) Dans la notice d’un précédent projet de PAEN, le Conseil Général a été amené à identifier les espaces concernés par la « périurbanisation » dans le Département :
« Les communes de Canohés et Pollestres, situées à la périphérie de PERPIGNAN, font partie de Perpignan Méditerranée Communauté d’Agglomération, établissement public de coopération intercommunale qui regroupe 26 communes pour une population de 234 414 habitants (…).
Elles font bien partie de la zone périurbaine de PERPIGNAN »
La zone périurbaine de Perpignan est clairement identifiée, elle est constituée par 26 communes situées à la périphérie de Perpignan.
Laroque des Albères ne fait pas partie de ces 26 communes, ni de la périphérie de Perpignan
- Par ce motif, Laroque des Albères ne fait donc pas partie de la zone périurbaine de PERPIGNAN au sein de laquelle peut être mis en œuvre le dispositif PAEN.
2° ) Le Conseil Général précise les critères justifiant la mise en œuvre du dispositif PAEN dans le Département dans une note intitulée précisément :
« Dispositif PAEN dans les Pyrénées Orientales – Conseil Général des Pyrénées Orientales »
Dans ce document, le Conseil Général définit les critères qui permettent de justifier la mise en œuvre du dispositif PAEN dans les PO, passage ci-après copié/collé :
« Contexte et enjeux particuliers justifiant la mise en oeuvre du dispositifPAEN dans les P.O.
La « Charte Régionale Languedoc-Roussillon pour un aménagement et une gestion durables des espaces agricoles », validée par l'Assemblée Départementale lors de sa session du 10 décembre 2007, affirme la nécessité :
- de garantir l'équilibre entre le développement urbain et la protection des espaces agricoles et naturels
- d'assurer la reconnaissance des espaces agricoles dans l'aménagement du territoire ;
- de préserver l'activité agricole dans l'espace rural ;
- de développer une démarche partenariale entre les professionnels, l'Etat et les collectivités dans chaque département.
Dans le même esprit, le Préfet des Pyrénées-Orientales, le Président de l'Association des Maires et Adjoints et la Chambre d'Agricullture du Roussillon, ont signé le 16 avril 2009, dans un objectif d'aménagement durable des zones agricoles et naturelles, un « Guide pour l'élaboration des documents communaux d'urbanisme et l'instruction des autorisations de construire ».
En effet, la croissance urbaine et le développement des infrastructures sont particulièrement sensibles en Languedoc-Roussillon où 35 000 nouveaux habitants sont annuellement accueillis (moyenne depuis 1999) et où 1 350 ha par an ont été artificialisés entre 1990 et 2005 (Diminution des espaces agricoles de 5,5% en 15 ans dans la plaine littorale).
Le même constat peut être fait dans les Pyrénées-Orientales dans la plaine et les communes littorales.
2 660 ha ont ainsi été artificialisés entre 1990 et 2000 à l'échelle des territoires du SCOT de la Plaine du Roussillon et du SCOT Littoral sud, soit une augmentation en 10 ans de la surface « anthropisée » (Espaces affectés à l'habitat, aux équipements, aux zones industrielles et commerciales, aux infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires, à l'extraction de matériaux, aux espaces verts, aux équipements sportifs et de loisirs...) d'environ 20%.
Dans ce contexte, la possibilité pour le Conseil Général de mettre en place des périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains et des programmes d'action correspondants, constitue un dispositif novateur pour préserver efficacement et valoriser en milieu périurbain des espaces agricoles et naturels à enjeux (Economiques, environnementaux, sociaux) et par là même, contribuer à sécuriser sur ces espaces les activités qui s'y exercent. »
2 - 1° ) Ce document indique le contexte et les enjeux justifiant la mise en œuvre du dispositif PAEN dans les PO ; il ne vise ce faisant expressément que les espaces de la plaine et les communes littorales.
Laroque des Albères est une commune de piedmont du massif des ALBERES.
La notice d’accompagnement du projet de PAEN souligne du reste ce point.
Ainsi, le projet de PAEN sur Laroque des Albères, commune du piedmont des Albères, ne répond pas aux critères définis par le Conseil Général lesquels visent exclusivement la plaine et les communes littorales.
- Par ce motif également, les espaces concernés par le projet de PAEN ne sont donc pas concernés par les enjeux et critères justifiant la mise en œuvre du dispositif PAEN
2 - 2° ) Ce document indique que l’enjeu est de remédier à la « diminution des espaces agricoles » en réponse au phénomène d’artificialisation des terres. Le dispositif PAEN a donc à s’appliquer dans les espaces du Département subissant une forte anthropisation pour les préserver de l’artificialisation constatée. Le document évoque une diminution des espaces agricoles de 5,5% en 15 ans dans la plaine.
Laroque des Albères n’est pas concerné par ce constat ni cette problématique :
- L’évolution démographique de la commune est en nette diminution entre 1999 et 2009 et de 2 à 4 fois inférieure aux moyennes de références : + 0,4% / an à Laroque contre 1,5% / an au sein de la Communauté de Communes et 0,86% pour le reste du Département. Source : notice du projet de PAEN, page 21
- La spéculation foncière à Laroque des Albères ( 0,55% / an ) est 2 à 3 fois moindre que sur le SCOT ( 1,22% ) et le Département ( 0,93 %) Source : notice du projet de PAEN, page 91
- Le taux d’artificialisation à Laroque des Albères ( 0,18% / an ) est 4 à 10 fois inférieur à celui constaté sur le territoire du SCOT ( 0,66 % / an avec une pointe en 2007 à 1,60% ) Source : notice du projet de PAEN, page 94
- La surface agricole utilisée sur son territoire a quant à elle progressé ces dernières années, passant de 444 ha en 2000 à 497 ha en 2010, soit une progression de la surface agricole de plus de 10% Source : Rapport de Présentation du PLU approuvé en 2013, pages 40 et 41, en PJ
- Par ce motif encore, il s’avère que les espaces concernés par le projet de PAEN ne sont pas concernés par les enjeux et critères justifiant la mise en œuvre du dispositif PAEN
EN CONCLUSION
Le Conseil Général ne démontre ni ne justifie dans sa notice accompagnant son projet de PAEN que les espaces concernés par le projet de PAEN peuvent effectivement être qualifiés de « périurbains » et concernés par le dispositif PAEN du Département.
Pour cause : Laroque des Albères n’est :
- ni située en périphérie de PERPIGNAN ;
- ni une des 26 communes constituant la zone urbaine de PERPIGNAN ;
- ni une commune de la plaine, ni une commune littorale ;
- ni une commune affectée par une forte pression démographique ;
- ni une commune affectée par une forte spéculation foncière ;
- ni une commune affectée par un taux d’artificialisation élevé ;
- ni une commune affectée par une diminution de ses surfaces agricoles, au contraire (+ 10 % )
critères qui définissent les espaces périurbains selon les termes mêmes du Conseil Général.
Le projet de PAEN sur la commune de LAROQUE DES ALBERES n’est donc ni justifié, ni pertinent.
Le projet de PAEN constitue donc un détournement de procédure.
NOTRE DEMANDE
Ces faits et circonstances rapportés à l’examen du dossier, nous vous demandons de relever :
- que rien dans le dossier ne permet de démontrer que le périmètre concerné par le projet de PAEN constitue bien un espace « périurbain » ;
- qu’à contrario, la commune de Laroque des Albères et le périmètre concernés par le projet de PAEN ne sont situés ni en périphérie de PERPIGNAN, ni dans une des 26 communes constituant la zone urbaine de PERPIGNAN, ni en zone de plaine ou littorale ;
- qu’il ressort au surplus des pièces du dossier que la commune de Laroque des Albères et le périmètre concernés par le projet de PAEN ne sont affectés :
- ni par une forte pression démographique ( cf p. 21 de la notice ) ; - ni par une forte spéculation foncière ( cf p. 91 de la notice ) ; - ni par un taux d’artificialisation élevé ( cf p. 94 de la notice ) ; - ni par une diminution de ses surfaces agricoles, au contraire ( + 10 % ) ( cf p. 40 et 41 du rapport de présentation du PLU de la commune ) ;
- que, par ces motifs, la commune de Laroque des Albères et le périmètre concernés par le projet de PAEN ne sont pas concernés par le dispositif PAEN, et que dès lors le périmètre du projet de PAEN soumis à enquête publique est sans objet et n’a pas lieu d’être.
P. M.
Qui peut croire que les initiateurs du PAEN, au mieux « jardiniers du dimanche » sauront plus que des générations d’agriculteurs et de propriétaires attachés à leur terre mettre 600 ha en valeur …
…alors que depuis 10 ans, la collectivité peine à financer les débroussaillages réglementaires ( bords de routes compris), ne parvient pas à financer les travaux d’un PPRIF, ni à se débarrasser d’un troupeau de vaches espagnoles « illégales » qui bouffent les bourgeons et feuilles des vignes, oliviers, figuiers et autres plantations qu’elles font crever et détruisent.
Qui peut croire que la puissance publique qui brade et délaisse depuis tant d’années ses « services publics » historiques faute de moyens sera en mesure d’entretenir et remettre en culture 600 ha …
…alors que l’Etat et l’Europe sont en faillite annoncée ….
Pour la petite histoire, le précédent PAEN a coûté au contribuable près de 400 000 euros pour moins de 15 hectares ( au seul vu des factures produites, sans compter les heures des employés et matériels municipaux ).
400 000 euros d’argent public ( commune, département, région, état, europe … ) pour 15 ha à ce jour toujours en partie en friches …..
…..combien pour les 600 ha du PAEN projeté ?
Utopie, simple mégalomanie encore et toujours sur le dos du contribuable, ou pire …. ?
Nous ne nous attacherons pas ici à rechercher ni les raisons pour lesquelles « on » tient tant à imposer ce PAEN à notre commune, y compris à grand renfort de mensonges et insinuations malveillantes dont la population et les propriétaires fonciers en particulier ont eu à faire les frais, ni qui profitera de ce détournement de la loi et récupérera terres, aides et subventions ( dont du Département et de la commune ).
Fait à Laroque des Albères, le 18 décembre 2013,
Le Président,